Quelques semaines passées, on nous a posé une question,
pourtant bien simple, à laquelle je n’ai toujours pas, fidèle à mes fâcheuses
habitudes, répondu. Une question à laquelle, à prime à bord, nous serions tous (du
moins, ceux que ça concerne…) supposé pouvoir répondre…
Pourquoi voulons-nous devenir enseignants? Une question qui,
pourtant, me pose problème. Peut-être cette complexité vient-elle du fait que,
comme tout le monde, une personne (dans le cas présent, un prof) m’a
profondément marqué. Ou encore, peut-être vient-elle du fait que, toujours
comme tout le monde (parce que nous ne sommes pas, dans notre individualité
propre, si différents que ça), ma discipline respective (ici le français, ou
plutôt, les mots au sens large) me fascine. Ou peut-être vient-elle, cette complexité
à répondre à une question aussi simple, du fait que j’essaie, tant bien que
mal, d’y répondre différemment, c’est-à-dire d’avancer des réponses différentes
à cette question.
Vous serez déçu, sans trop l’être, je l’espère, d’apprendre
(ou de vous faire répéter) que si je veux devenir enseignant, c’est d’abord à
cause (grâce à) d’un prof (de français, vous l’aurez deviné). Les profs
peuvent, s’ils savent comment, avoir beaucoup de pouvoir sur leurs élèves.
Comme c’est le cas dans
mon histoire.
Étant un ancien décrocheur, je ne serais fort probablement
pas rendu où je le suis maintenant s’il n’avait été de cet enseignant de
français 5e secondaire qui, sans aucune obligation, soit professionnelle
ou encore même morale, a pris de son temps et de son énergie pour me faire voir
un peu plus loin que le bout de mon nez malheureusement dans l’obscurité à
cette époque. Ces profs ont le pouvoir de représenter des modèles (de toutes
sortes…) pour des jeunes qui souvent n’en ont pas, ou plus précisément, n’en
ont pas qui leur conviennent.
Les profs sont plus souvent qu'autrement considérés, par les élèves, du moins, comme des figures autoritaires qui ont comme mandat (et unique mandat, pensent-ils trop souvent) de transmettre des savoirs. On pourrait penser qu'ils sont complètement absorbés dans leurs savoirs, dans leurs connaissances. Pourtant, les professeurs qui m'ont le plus marqué étaient (sans trop de surprise, je crois) les plus délinquants d'entre eux (sans oublier les plus humains d'entre-eux!), ceux qui, au premier coup d'oeil, ne ressemblaient aucune à l'image du professeur typique. Et je pense que, si j'avais à choisir un modèle, une conceptualisation de l'enseignant que j'aimerais être, que j'aspire à devenir, c'est celle-ci que je choisirais (ou plutôt, a déjà choisi).
Beaucoup trop souvent, au secondaire, les professeurs échouent quelque part d'excessivement important à mon avis. Ils ont été des élèves modèles lors de leur passage aux petite et grande écoles et pour eux, c'est ce que devrait être un élève. Alors que pour ma part, il n'en est rien. Je n'ai pas été un élève modèle et je sais ce qu'est détesté l'école (quoi que... détestons-nous vraiment l'école, à l'adolescence, ou nous objectons-nous tout simplement de façon catégorique à toute forme d'autorité?). Cependant, je pense qu'il est possible d'apaiser cette douleur et de tenter (sans toujours réussir) de rendre cette période de notre vie un peu moins pénible, voire davantage compréhensive.
Faire comprendre que, l'école, ça l'a du bon. Oui, nous avons besoins de pompistes, de commis d'épicerie, de caissières, etc. Mais où est-ce écrit que nous ne pouvons disposer de telles ressources (humaines) éduquées, sachant lire et écrire et ce, plus que de simples acronymes (la plupart du temps en anglais, rien de moins!) ou de simples résultats de lotto? Faire comprendre qu'avec quelques années à se faire suer sur les bancs d'école (chose inévitable, peu importe l'intérêt que l'on y porte et l'effort que l'on y met), on se facilite la vie pour une vie toute entière. Cette réalité, bien évidente à mon esprit, ne l'est malheureusement pas pour tout le monde, et je crois qu'il en revient aux profs et éventuellement à moi de tenter de la faire comprendre à la plus grande majorité.
Plus personnellement, j’adore et j’ai toujours adoré les
langues et les mots qui les forment. Parallèlement, j’ai toujours aimé, faut-il
penser, enseigner, ou plutôt, faire apprendre. Je vois là une différence
capitale. Enseigner, ça vient du prof. C’est l’exercice qu’exerce (faute d’un
meilleur terme) l’enseignant lui-même. Apprendre est un peu l’inverse : l’élève
prend ce qui lui est dit et en construit un savoir, crée des liens avec ses
savoirs déjà acquis. Et il n’y a rien, à mon avis, de plus merveilleux que de
voir dans le visage de quelqu’un qu’il a compris une notion, une règle, par son
travail; une sorte de récompense (infiniment précieuse).
Pour résumer, et peut-être aurais-je dû me limiter à ça (mais où aurait alors été le plaisir?), ce sont autant des enseignants (plus particulièrement un) motivés, passionnés par ce qu'ils font que l'amour elle-même des mots qui m'ont poussé à devenir prof. Ou encore, peut-être est-ce le désir de vouloir épargner aux générations futures de commettre les mêmes erreurs que moi?
La réflexion que tu partages dans ce billet dénote beaucoup de passion pour ton métier. L'école a besoin d'enseignants qui croient qu'ils font une différence pour les jeunes.
RépondreSupprimerQuand tu décris le "faire apprendre", je perçois chez toi une vision réfléchie de ce que devrait être la tâche d'un enseignant à l'école.
Je te souhaite d'entretenir cette passion pour l'école et surtout de passer ce flambeau allumé par ton ancien "prof", à d'autres futurs citoyens responsables.