mardi 17 avril 2012

Une pièce d'ici sur des problèmes de partout

Dans le cadre de nos cours de littérature, nous devions aller la pièce Lost Baby de Myriam de Verger et mise en scène par Pierre-Luc Houde. Cette pièce a été présentée le 22 mars 2012 à l’Agora des arts à Rouyn-Noranda.





La pièce Lost Baby pivote principalement autour du thème de la dépendance à diverses substances et les problèmes, tant sociaux que personnels, qui peuvent en découler. Pour sa part, Lily, au moment de la pièce, en est à ses derniers jours en centre de désintoxication pour une dépendance à l’héroïne. Il est incertain si elle s’y retrouve pour d’autres raisons, mais une chose est certaine : elle a tout de même beaucoup de pain sur la planche pour venir en paix aux démons qui la hantent.

Il ne reste plus qu’environ 72 heures à son séjour et c’est une Lily émotive qui nous livre des témoignages tout aussi émotifs par le billet d’une capsule vidéo enregistrée par un membre du personnel du centre. Ces témoignages traitent des raisons de son séjour en cure ainsi que ses motifs pour se sortir de son enfer. 

Ces témoignages livrés rapportent à son fils de qui elle s’ennuie apparemment beaucoup. Elle explique aussi, en nous racontant ses souvenirs, la relation d’amour/haine qui règne entre elle et sa mère qui l’a adoptée. Étant adoptée, elle en a toujours voulu (et continue de le faire) à sa mère qui, croit-elle, ne l’a jamais assez aimée et l’a abandonnée pendant son adolescence. Ce qui la révolte par-dessus tout, toutefois, c’est que cette même mère, la sienne, lui reproche d’être une mauvaise figure parentale pour son fils.

Je crois qu’elle dressait, à travers la pièce, un portrait effroyablement réaliste de la toxicomanie, soit un portrait de cycle vicieux apparemment sans fin. Ses problèmes de drogues peuvent ici être interprétés de deux façons bien différentes. D’une part, ils sont la cause des problèmes qu’elle a avec son fils et par extension, avec sa mère. Mais au-delà de ça, c’est d’abord le résultat d’une relation, malsaine, diront plusieurs, qu’elle vécut elle-même avec sa propre mère lors de sa jeunesse. Tout toxicomane vous le dira, la toxicomanie est plus souvent qu’autrement un échappatoire à de nombreux problèmes et devient dans bien des cas source de nouveaux problèmes, comme c’est le cas de Lily dans la pièce. Elle consomme pour échapper à ses démons pour en retour être confrontée à de nouveaux.

J’ai été légèrement déçu par la fin de la pièce. Lors de la projection de l’introduction à la pièce, je pouvais déjà sentir que le personnage allait mourir pendant la pièce ou à la fin, Cependant, quoi que prévisible, cette fin servait à dramatiser l’utilisation de drogues et visait surement à nous faire réfléchir, chose qu’elle réussit.


Le visuel de la pièce, quoi que minimaliste, fonctionne à merveille. Toute la pièce, sans exception, se déroule dans les confins de sa chambre du centre de désintoxication. Certes, ce lieu nous permet de nous mettre dans l’ambiance de désintoxication qu’est le thème central de la pièce. Cependant, c’est surtout le thème de la solitude (ou plus souvent qu’autrement, le sentiment de se sentir seul) que m’évoquaient les décors de la petite chambre à la porte fermée en tout temps.

Autre le décor, de brefs passages étaient illustrés à l’aide de capsules vidéo, comme ce fut par exemple le cas au tout début de la pièce et à la toute fin lorsque le personnage nous met en contexte. Par ailleurs, il était possible de voir, à quelques reprises, des effets visant à nous démontrer les dégâts qu’occasionnaient les problèmes de drogue de Lily, principalement sur la lucidité de celle-ci. Ces malaises étaient illustrés par des taches noires.

J’ai apprécié le fait que très peu d’artifices ont été présentés. Cela donnait une importance aux éléments présents sur scène. Même si la pièce se passe entièrement dans la chambre du centre, très peu d’accessoires sont présents dans la chambre. Mis à part un lit, on peut voir une chaîne stéréo ainsi qu’un panier de linge sale qui servent tous deux à leur passage respectif. Les vidéos présentées à l’aide du projecteur servent à nous illustrer certains détails qui auraient été plus difficiles à saisir autrement. Au début de la pièce, nous sommes présentés le fils de Lily, dont elle parle abondamment dans la pièce. De plus, ils permettent de mieux s’imaginer ce qui se trame dans la tête du personnage lorsqu’elle subit un malaise quelconque lié à ses problèmes de consommation.

C’est à un véritable tour de force que nous avons droit tout au long des soixante-quelques minutes que dure Lost Baby. Seule sur scène pour l’entièreté de la pièce, Myriam de Verger nous livre toute une performance. En effet, Myriam de Verger est l’unique comédienne tout au long de cette pièce. Pendant un cours instant, deux autres personnes figurent sur la scène, mais ne jouent pas un rôle particulier en ce sens qu’ils ne servent qu’à démontrer la perte de lucidité de Lily et nous faire pénétrer davantage dans son monde de “folie”.

Toute la pièce met l’accent sur le personnage de Lily, particulièrement ce qui se passe dans la tête de celle-ci. En s’adressant à la caméra, elle nous livre des révélations très personnelles.

J’ai adoré le fait qu’elle ne se censure pas. Son allure et plus particulièrement son langage nous mettent très bien dans les chaussures du personnage et intensifient le jeu de la comédienne. Nous avions vraiment l’impression d’écouter une réelle toxicomane afro-américaine québécoise se livrer à nous. Elle ne mâchait pas ses mots et était tout aussi expressive dans ses gestes.

De plus, le costume de la comédienne était très approprié, quoi que peut-être un peu cliché. Cheveux longs avec mèches rouges, tatouages sur les bras et piercings au visage, elle nous apparait comme une personne très excentrique et c’est exactement comment j’ai perçu le personnage de Lily du début à la fin.

Enfin, je crois que Myriam de Verge réussit avec brio de nous présenter la réalité bien taboue d’une toxicomane noire dans la société québécoise. Intense du début à la fin, nous croyons au personnage de Lily et sympathisons avec elle. Elle réussit à nous présenter des sujets tabous sans tomber dans l’exagération ou le cliché. J’espère qu’elle ôsera, une fois de plus, nous présenter d’autres tabous québécois.

Cliquez ici pour la liste complète des rôles qu'a joués Myriam de Verger

1 commentaire:

  1. Tu décris cette pièce de façon très détaillée. J'aurais envie de la voir, autant pour le jeu de Myriam de Verger, qui t'as conquis que pour la mise en scène sobre qui semble bien compléter le jeu de l'actrice.

    Tu sembles avoir une grande facilité à analyser et un esprit critique aiguisé. On ne manque pas de détails en te lisant...

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